Nous avons récemment partagé avec vous les interviews du président sortant Népomucène Sindayihebura et de l’actuel président Aime Nkonyereza. Cette fois-ci, nous vous emmenons à la découverte des premiers pas de notre illustre club Urunani BBC. 

QUESTION 1 : En tant que premier président du club Urunani, peux-tu nous dire comment cette équipe a vu le jour ?

Vers la fin des années 70, il flottait dans l’air un souhait, voire une certaine volonté de changer de comportement dans la vie courante des cadres et particulièrement des jeunes cadres que nous étions. Nous avions le sentiment de manquer d’initiatives positives. 

Pour pallier cette situation, nous avons entre autres décidé de développer quelques activités sportives. Pour commencer, nous avons constitué un groupe de copains pour faire de la marche les dimanches matin. C’est au cours de cet exercice que nous échangions sur divers problèmes. Au bout de moult échanges, nous avons décidé de créer un club de basket.

Les derniers mois de 1978 nous ont servi à chercher un terrain d’entraînement. Nous avons trouvé un terrain au Centre de Formation Artisanale situé à Jabe, quartier aussi calme que populaire. Dans un premier temps nous avons joué entre nous anciens basketteurs et anciens marcheurs. 

Progressivement, nous avons savouré le bonheur de faire découvrir le basket et d’intéresser des jeunes essentiellement de Bwiza,  de Jabe et, par la suite, ceux de Nyakabiga.

Nous avons commencé à recruter ces jeunes qui se sont avérés enthousiastes et talentueux. Ces jeunes joueurs nous pressaient d’officialiser notre club afin de  défier « les clubs de la ville » comme ils disaient.

En août 1979, nous avons baptisé notre club. Nous avions décidé de retenir un nom signifiant qui allait figurer sur la carte d’identité de notre nouveau-né. URUNANI, porteur de tout un programme, fut le nom plébiscité face à SOLIDARITE.  URUNANI  avait aussi la singularité d’être un nom en Kirundi.

Au cours du mois de septembre 1980, nous demandons l’adhésion à l’association du basket de Bujumbura. En tant que débutant, URUNANI devait jouer en division B pour accéder à la division A, moyennant performance. Règlement exige.

Faisant taire l’impatience des formateurs et des joueurs, nous nous sommes soumis au règlement ; celui-ci fut honoré de la meilleure manière. URUNANI boucla sa participation avec un score parfait de 100% des points. Ainsi URUNANI entra, par la grande porte, en division A.

 

QUESTION 2 : D’après toi, qu’est-ce qui a permis au Club Urunani de devenir rapidement une des meilleures équipes du Burundi ?

URUNANI est devenu rapidement un des meilleurs, si pas le meilleur, club de basket de BUJUMBURA pour les raisons suivantes :

La première est la détermination et la motivation intrinsèque qui seront siennes dès sa création. Comme rappelé plus haut, URUNANI était un Club issu « de la cité » comme on dit à Bujumbura.  La plupart des joueurs du club résidaient dans les cités ; parlaient swahili et drainaient un grand public de leur milieu.  Or, avant la création d’URUNANI,  le basket était généralement considéré comme un sport réservé à quelques « happy few » de Bujumbura  qui avaient accédé à l’enseignement secondaire. Quant aux terrains de compétition, ils étaient au début soit à l’Entente Sportive, soit dans les enceintes de l’hôtel Paguidas, lieux fréquentés par une certaine classe et dans lesquels s’aventuraient rarement les jeunes de la « cité ».

Face à cet environnement peu amène et des préjugés qui en découlaient, URUNANI, lui, entrera dans l’association de club de basket en challenger des autres équipes de l’association. Et avec succès !

Il est vrai qu’URUNANI avait des atouts pour réussir.  

Tout d’abord  son équipe : le club a continué sans relâche à recruter des jeunes talentueux issus des « cités » et d’ailleurs. Il va sans dire qu’il fallait recruter en même temps des membres encadreurs afin d’agrandir la famille des URUNANIENS. Tout ce beau monde a mis son point d’honneur à cultiver et entretenir son team spirit.  Je ne peux ici citer les noms des encadreurs de peur d’en oublier quelques-uns. Je leur adresse mon salut fraternel. Sans oublier une pensée émue pour ceux  qui nous ont quittés. 

Je peux par contre mentionner quelques grands basketteurs de « souche », donc des cités, qui sont Bosco Niyorugira, Hussa, Jean Kirigenda, Joseph Mpitabakana alias Tigana, Mathias dit Ceussi, Déo Ndikumana alias Fougerolle, Doudou, Masahani, Kamogri… Ils seront rejoints par des étudiants de l’Université dont Pierre Claver Baregeranye dit Zeze, Melchior Ntahonkiriye alias Sindirimba, Eugène Nindorera, Pascal Karangwa, William… 

S’agissant des entraîneurs étrangers, nous avons successivement  pu bénéficier des conseils  de 2 professionnels soviétiques dont ne voulaient pas les autres membres dirigeants de l’Association de basket-ball. Ces dirigeants préféraient sans doute un autre style d’entraînement. Possiblement du genre américain…

Quant à nos « swahiliphones », ils ont exhibé un style exaltant mais à la loyale. Et ce, de match en match. Ce style nous a fourni des arguments à présenter pour le sponsoring. Ceux-ci sont arrivés sous des formes diverses ; des rafraîchissements après match de la brasserie, des contributions financières individuelles et de diverses sociétés, des équipements sportifs …

QUESTION 3 : Qu’est-ce que le club Urunani a apporté au Basketball burundais ?

A mon avis URUNANI a contribué au développement et à la popularisation du basket au Burundi. 

Il a donné aux jeunes une opportunité sportive autre que le football et ceci en leur ouvrant la porte de tous les possibles. Aucun sport ne leur était interdit et aucune victoire ne leur était impossible s’ils s’en donnaient les moyens.  A force de discipline, de rage de vaincre, d’esprit sportif, URUNANI a imprimé son label au basket burundais. Au terme de la saison 1982-1983, URUNANI était classé 4ème pour se retrouver au sommet du podium 3 ans plus tard.

Avant  de terminer de répondre sur l’apport d’URUNANI pour le basket burundais, il me paraît important de rappeler un des aspects d’ouverture dont le club a fait montre. Il s’agit de la volonté d’initier une certaine coopération avec les clubs de basket des pays voisins, en l’occurrence du club Espoir de Kigali et d’un club de Bukavu que nous avons rencontrés chez eux.

Un projet de jumelage était donc dans les tuyaux…

 

QUESTION 4 : Quel est ton meilleur souvenir et/ou la chose accomplie par le club dont tu es particulièrement fier ?

Il m’est particulièrement difficile d’utiliser le « je » quand il s’agit d’un domaine complexe où interviennent la dimension sportive, la dimension sociale et la dimension humaine…

Cela étant, une certaine approche est possible en quelques mots.

Bravo aux encadreurs et aux joueurs d’avoir formé un ensemble harmonieux dont le nom seul évoque sérieux, solidarité et joie de vivre. Si la discipline sportive dénommée basket-ball est devenue populaire au Burundi, ce n’est pas par hasard. Et ce n’est pas par hasard non plus que certains compatriotes de la diaspora que j’ai croisés – je ne les connaissais pas – m’ont adressé des compliments pour URUNANI dont ils demandaient des nouvelles.

Il y a là de quoi être fier.

QUESTION 5 : Est-ce que tu suis encore le Basket aujourd’hui, au Burundi et ailleurs ?

J’essaie d’avoir des nouvelles d’URUNANI, soit auprès des membres du Club avec lesquels je suis toujours en contact, soit en consultant certains sites d’information. Quant au basket dans les autres pays, j’ai l’opportunité de suivre de temps en temps des grands matchs à la TV.

QUESTION 6 : Cette année, le bilan d’Urunani est plutôt décevant. Aurais-tu des conseils à donner aux joueurs et aux dirigeants actuels du club ?

De loin, j’aurais du mal à donner des conseils aux dirigeants et aux joueurs.

Est-ce que le club ne serait pas victime d’un phénomène d’engourdissement ?

Quoiqu’il en soit, URUNANI ne fera pas l’économie d’une certaine introspection pour retrouver son esprit sportif de challenger.